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Envoi de cartes, comment procéder ?

Dernière mise à jour : 30 juin 2023

20/12/2014 - Romain


Nous voici enfin à l’un des aspects les plus stratégiques du Karuta, qui conditionne un grand nombre de paramètres dans notre façon de jouer au Karuta, et qui peut être tout aussi simple qu’extrêmement compliqué. Dans cet article, je vais vous parler de l’envoi de cartes.

Cet article sera divisé en deux sections. Dans la première, je présenterai tous les critères à prendre en compte pour déterminer la façon dont vous devrez envoyer vos cartes. Tous ces critères sont des indices qui vous aideront à créer votre propre logique d’envoi, donc lisez tout attentivement, et surtout, retenez ce que vous lisez. Au début, vous serez obligé de réfléchir pour déterminer quelle est la carte qu’il faut envoyer dans votre situation, mais au bout d’un moment, cela deviendra naturel. Dans la seconde partie, je donnerai un exemple de partie en montrant quelles cartes on envoie, et dans quel ordre. Bref, c’est l’aspect pratique après la théorie.

Introduction : Se créer une logique d’envoi de cartes

Un point sur lequel j’aimerais insister avant tout est qu’il est extrêmement important de se créer sa propre logique d’envoi de cartes. En d’autres termes, quand la partie commence, et que vous avez les cartes en tête, vous devez déjà savoir, sans avoir besoin de réfléchir, quelles seront les cartes que vous enverrez. Pour cela, vous vous aiderez des règles que je vous expliquerai ici, mais également de vos propres préférences. Fixer à l’avance ses priorités (par exemple, « si je dois envoyer une carte en NA entre NAGE et NAGA, j’envoie en priorité NAGE »), c’est vous permettre de ne pas avoir à réfléchir le moment venu, et cela vous donne donc d’autant plus de plus de temps pour mémoriser l’emplacement des cartes entre chaque poème. Mais gagner du temps sur les envois de cartes, cela permet également de ne pas agacer les autres joueurs, et de terminer les parties plus vite, donc pour ceux qui ont un planning serré, cela peut être très utile ! Notez qu’il n’est pas rare en tournoi, lorsque l’on est trop lent, que les arbitres nous demandent d’accélérer. Et généralement, dans un tel cas, on envoie toujours la carte qu’il ne fallait pas.

Sur ce, commençons !

I/ Les fondamentaux de l’envoi de carte

Dans cette partie, j’évoque tous les critères à prendre en compte lors du choix de la carte à envoyer. Tout sera extrêmement détaillé dans les sous-parties, mais voici une présentation très sommaire de ces différents points :

A/ Séparez les cartes jumelles et équilibrez le terrain en envoyant les cartes que vous avez en trop grand nombre B/ Envoyez en priorité les cartes courtes, plus faciles à attaquer C/ Envoyez les cartes sur lesquelles vous êtes bon D/ Envoyez les cartes sur lesquelles votre adversaire est bon E/ En fin de partie, la logique s’inverse, et vous devez vous adapter à votre adversaire F/ Inspirez-vous de diverses stratégies que j’évoque pour trouver votre propre logique d’envoi

A/ Séparer les cartes jumelles

Ce sera là votre priorité absolue : ne gardez pas les cartes jumelles chez vous, sauf choix stratégique osé. Comme expliqué à de nombreuses reprises, les joueurs de Karuta sont résolument offensifs. Par conséquent, ils viseront vos cartes en priorité. De la même manière, vous viserez les cartes de votre adversaire. Dans ces conditions, garder des cartes jumelles collées chez vous, c’est le meilleur moyen de faciliter la tâche à votre adversaire. Il n’aura aucun risque à prendre, aucune difficulté à mémoriser, et il sera plus rapide que vous, vu que les cartes seront dans sa zone visée. Bref, si vous avez YUU et YURA, envoyez l’une des deux cartes dès que possible. Je sais que généralement on a tendance à se dire « mais je suis rapide sur YU, c’est juste 1 syllabe, donc c’est facile à protéger ! ». Surtout quand en face, on a des joueurs qui ne sont pas particulièrement offensifs, ni extrêmement réactifs. On se dit tous ça au début, parce qu’effectivement, on est rapide dessus, et souvent plus que nos adversaires D Kyû (ou sempai qui se retiennent). Mais passés B Kyû, les joueurs commencent à avoir un style plus complet, et réagissent bien plus vite. Protéger dans ces conditions peut devenir véritablement difficile. Certes, si vous jouez défensivement, vous pourrez les prendre avant votre adversaire. Mais comme expliqué à de nombreuses reprises, le style défensif n’est pas recommandé, car il vous rend trop faible en attaque. Si vous jouez offensivement, vous ne pouvez pas vous permettre de vous concentrer sur votre terrain. Bref, garder YUU et YURA collées sans les envoyer, c’est le cas typique du joueur qui applique une stratégie d’envoi de carte défensive alors qu’il joue offensif. Je ne mettrai ici que deux réserves pour ne pas séparer des jumelles. La première, c’est si vous êtes particulièrement mauvais sur 2 cartes en particulier. Par exemple, personnellement, j’étais il fut un temps incapable de réagir correctement sur la 3e syllabe de ARIA et ARIMA, car j’avais du mal à distinguer les deux sons. Ce sont donc les dernières cartes que je sépare en général. Aujourd’hui, je suis bien meilleur dessus, mais j’ai beaucoup travaillé cet aspect, et quand je ne veux pas prendre de risques, il m’arrive de les garder chez moi. Je ne les séparerai dans un tel cas que si je sens que mon adversaire est mauvais sur les cartes séparées. Faites très attention avec cet aspect : à force de se dire qu’on est mauvais sur une paire et que par conséquent on peut la garder, on finit par s’habituer, et il devient alors encore plus difficile de jouer avec les deux cartes séparées (ce qui arrivera forcément). Appliquez cette stratégie si c’est nécessaire dans un match que vous ne voulez absolument pas perdre, mais n’allez pas faire ça en entraînement.

La deuxième réserve, c’est si vous êtes particulièrement bon sur les cartes en question. Si vous sentez que l’adversaire n’a aucune chance de vous prendre YU, gardez les deux. Mais cela signifie orienter un peu son esprit en défense, ce qui pourrait être dangereux, donc n’en abusez pas.

Et surtout, n’allez pas vous dire « je suis mauvais sur toutes, donc je les garde toutes ». Surtout quand on débute, il est normal d’être mauvais dessus. Habituez vous à les séparer, et rapidement, vous deviendrez meilleur. Croyez moi, j’étais vraiment mauvais avant, et aujourd’hui, Juin 2015, je prends sans difficulté toutes les cartes séparées de l’adversaire.

Après les cartes jumelles, ce sont les cartes sœurs et les cartes cousines que vous enverrez, toujours dans un soucis d’équilibre. Si vous avez 3 cartes en NA et votre adversaire aucune, même si elles ne sont pas jumelles (NATSU, NANISHI et NAGEKI par exemple), vous devez lui en envoyer au moins 1. Bref, équilibrez au maximum. Le concept ici est que plus les cartes sont nombreuses d’un côté, plus notre attention se tournera de ce côté à la 1ère syllabe. Par conséquent, si vous avez 4 cartes et l’adversaire aucune, vous serez dans une logique défensive, et votre adversaire dans une logique offensive. Il sera donc dans son élément, alors que vous non (puisque, je le rappelle, vous devez idéalement jouer offensivement). Bref, vous serez désavantagé. Pour compenser ceci, essayez d’avoir toujours autant de cartes que lui, si ce n’est moins, du même son.

B/ Envoyer en priorité les cartes courtes

Admettons que vous ayez HISA et HITOWA, et votre adversaire rien. Vous devrez logiquement envoyer une de ces deux cartes le plus rapidement possible. Toutefois, dans un tel cas, il sera le plus souvent conseillé d’envoyer en priorité la carte la plus courte, car cela confère un avantage conséquent.

Si vous envoyez HITOWA, et qu’une des deux cartes est lue, vous partirez idéalement tous deux vers le terrain adverse dès le son HI. Néanmoins, à la deuxième syllabe, si c’est HISA qui est lue, votre adversaire pourra la prendre immédiatement. Il vous sera difficile de revenir à temps. En revanche, si c’est HITO qui est lue, votre adversaire aura une syllabe de marge entre le moment où il comprend que la carte lue n’est pas HISA, et le moment où la syllabe déterminante sera lue. En bref, si c’est HISA, à vitesse de réaction égale, vous avez 0 syllabe pour revenir : vous êtes donc obligé de perdre la carte. En revanche, si c’est HITOWA, votre adversaire a une syllabe pour revenir, et aura donc le temps de prendre la carte si jamais son bras se trouve mieux placé.

Note : J’applique dans mon cas la logique inverse pour une simple raison : alors que la plupart des joueurs ont tendance à viser la carte de l’adversaire et de partir le plus tôt possible, mon style consiste à attendre la syllabe déterminante, en me concentrant sur la consonne afin de partir une demi syllabe plus tôt (AKIK et pas AKIKA). De cette manière, je peux prendre HISA sur la 2e syllabe, et foncer sur HITOWA quasiment sur la 2e syllabe. J’ai passé beaucoup de temps à travailler cet aspect de manière à optimiser mes chances de prendre toutes les cartes en jeu, et pas seulement celles que je visais, mais ça demande du travail et une bonne ouïe. Et je ne suis évidemment pas assuré de prendre la carte chez moi. Toutefois, par soucis d’exhaustivité, j’ai jugé bon d’évoquer cette stratégie. N’allez pas la copier pour le moment, mais gardez dans un coin de votre tête qu’elle existe.

Les deux raisons pour procéder de la sorte sont que protéger des cartes longues est plus facile (donc si la carte de l’adversaire est lue en premier, vous aurez plus de chances de défendre la vôtre après), et que les cartes courtes sont plus faciles à mémoriser, ce qui n’est pas un luxe quand on doit retenir parfaitement l’emplacement de 25 cartes. Beaucoup de joueurs aiment attaquer les cartes courtes, donc autant que possible, évitons de les accumuler chez nous.

Ensuite, se pose la question des envois des cartes à 1 syllabe. Je suis assez partagé. Je sais que certains joueurs A Kyû considèrent qu’il est très difficile de les prendre en attaque (à ce niveau évidemment). Personnellement je ne les envoie que quand je suis vraiment dans un bon rythme et que je veux mettre la pression à l’adversaire. Ou quand je sens que mon adversaire les vise à fond chez moi. Quel que soit votre style, je ne mettrai qu’une seule condition à l’usage de ce type d’envois : ayez un bon balayage. Vu le peu de temps que vous avez pour aller récupérer la carte avant votre adversaire, un balayage très rapide sera nécessaire. Donc travaillez votre balayage si vous souhaitez attaquer les cartes à 1 syllabe.

Pour finir, les cartes longues : je déconseille fortement de les envoyer car ce sont des prises faciles chez soi à condition d’être un peu concentré et de s’être un peu entraîné à protéger (même moi qui suis mauvais dessus, je les prends très souvent chez moi, tant l’avantage est grand). Je parle évidemment ici des cartes longues isolées, et non jumelles. Les envoyer ne fera que donner un avantage à votre adversaire. En revanche, en fin de partie, la situation s’inverse. La carte longue devient au contraire une carte à risque, qui peut provoquer des fautes, et qu’il devient facile d’attaquer : il n’est pas nécessaire de se concentrer dessus pour la mémoriser, donc ça permet de passer plus de temps sur les autres cartes. Et si par chance vous arrivez en Unmeisen avec cette carte en face, votre avantage sera énorme.

La logique s’inverse quand on a 2 jumelles. Les séparer permet de s’assurer qu’elles seront bien à 5 ou 6 syllabes, et l’on a donc ainsi une chance sur deux de prendre la carte (en considérant qu’on prend celle que l’adversaire ne vise pas). C’est donc un choix stratégique extrêmement intéressant lorsque l’on gagne une partie et que l’on souhaite s’assurer certaines prises. Certains joueurs deviennent très défensifs quand ils perdent, et attaquer peut ainsi s’avérer compliqué. Avoir une chance sur deux de prendre une carte sans efforts lorsqu’il ne nous en manque plus que 3 pour gagner est un avantage énorme.

A l’inverse, lorsque l’adversaire a une grosse avance mais que le rythme est de notre côté, mieux vaut coller les cartes longues jumelles. Un manque de chance pourrait nous faire perdre notre rythme, et c’est la dernière chose que l’on souhaite pour renverser une partie.

C/ Envoyer les cartes sur lesquelles on est bon

Une fois que vous avez équilibré votre terrain, votre objectif sera d’envoyer les cartes sur lesquelles vous pensez être bon. Plus vos prises seront rapides, plus vous serez en confiance, donc mieux vaut envoyer vos bonnes cartes pour créer un bon rythme. De même, garder vos bonnes cartes chez vous aura pour effet de déplacer votre attention sur elles, et donc sur votre terrain, ce qui va à l’encontre du style offensif. C’est une erreur commune chez les joueurs français : certains veulent jouer offensivement, mais font des envois défensifs. Pour jouer offensivement, on envoie ses meilleures cartes. Il convient donc d’envoyer en priorité les cartes sur lesquelles vous êtes rapides, afin de ne laisser aucune chance à votre adversaire de les prendre. La dernière chose que vous souhaitez, c’est qu’il vous prenne de vitesse sur son terrain, et que vous commenciez à douter de vos capacités à prendre ses cartes. Dans une logique différente, vous pouvez également garder les cartes que vous pensez pouvoir protéger à coup sûr. Quand on joue offensivement, il est normal de perdre beaucoup de cartes chez soi, mais si pour x raison vous êtes très bons sur certaines quand elles sont chez vous, autant les garder, vous pourrez ainsi prendre des cartes chez l’adversaire mais aussi chez vous. Une logique classique en Karuta est qu’il est normal de prendre les cartes de l’adversaire (puisqu’il vise votre terrain, et vous le sien). Par conséquent, beaucoup de joueurs considèrent que s’ils ont autant de chances de prendre une carte chez eux que chez l’autre, alors il vaut mieux pour eux la garder, puisqu’ils prendront « de toute façon » les cartes en face. C’est d’ailleurs je pense la raison pour laquelle on me renvoie assez peu souvent les cartes à 3 syllabes que j’envoie. Beaucoup considèrent ça comme une « chance », d’avoir beaucoup de cartes à 3 syllabes chez soi. Mais moi ce sont celles que j’attaque proportionnellement le mieux.

D/ Envoyer les cartes sur lesquelles votre adversaire semble bon

De la même manière, garder chez vous des cartes que votre adversaire a de fortes chances de prendre n’est pas une bonne idée. Non seulement vous lui permettrez de faire tout ce que j’ai expliqué dans le paragraphe précédent, mais en plus vous raterez une chance de lui faire perdre ses moyens. Admettons que votre adversaire réagisse extrêmement rapidement sur AKI et aille immédiatement couvrir AKIKA, pour finalement esquiver la carte, AKINO ayant été lue. Il n’a certes rien gagné sur cette action, mais il montre qu’il est réactif, et cela lui permet de se créer un bon rythme (= »la prochaine fois, je suis sûr de l’avoir »). Si vous gardez AKI(KA), non seulement vous êtes presque sûr de la perdre, mais en plus vous le laissez prendre confiance. En revanche, si vous lui envoyez cette carte, vous remettez les compteurs à zéro, voire vous partez avec un avantage (car plus on a mémorisé une carte à un endroit, plus on a de difficultés à l’oublier). En outre, vous le frustrez, car il ne peut pas attaquer comme il le souhaiterait. Il ne vous manque plus qu’à prendre la carte en question, et inévitablement, votre adversaire recevra de gros dommage, se disant qu’il l’aurait eue si elle avait été lue plus tôt.

E/ Arrivé en fin de partie?

Une fois arrivé en fin de partie, la logique d’envoi change considérablement. Les envois deviennent plus psychologiques, et on cherche à envoyer les cartes qui laisseront le moins de chance à l’adversaire, qui le ralentiront le plus possible. Beaucoup de joueurs, surtout s’ils sont d’un niveau égal ou inférieur, auront tendance à protéger en fin de partie. Dans un tel cas, attaquer des cartes courtes devient extrêmement difficile. Pour cette raison, il est souvent bien plus intéressant d’envoyer un maximum de cartes longues (en fin de partie, même les 2 syllabes peuvent être considérées comme « longues »), plutôt que des cartes courtes, quand bien même vous seriez très bon dessus. Vous ne voulez pas qu’on vous prenne une carte sur laquelle vous êtes habituellement bon.

Personnellement, en fin de partie, je me pose tout un tas de questions pour savoir quelle carte envoyer. « Si je la laisse, est-ce que je pourrai réagir rapidement? », « Est-ce que mon adversaire la vise? », « Si je l’envoie, est-ce que mon adversaire va chercher à la protéger? », « Est-ce que mon adversaire est déjà passé en mode défensif, ou est-ce qu’il attaque? », « est-ce que mon attaque vise tout, ou juste un côté? », etc…

Bref, je tiens vraiment compte du style de l’adversaire afin de maximiser mes chances. Si mon adversaire est ultra-offensif, je ne vais pas garder mes cartes à 1 ou 2 syllabes, car il va aller super vite dessus, alors que moi j’essaierai soit de prendre son terrain, soit de tout prendre. Et dans les deux cas, ça signifierait 50/50, ce qui n’est pas une bonne idée pour maximiser ses chances de gagner. A l’inverse, s’il est ultra-défensif, je sais qu’il prendra à coup sûr toutes les cartes à 1 syllabe chez lui, donc je ne les lui enverrai jamais. Savoir identifier le style de son adversaire, ainsi que ses changements, est donc extrêmement important.

F/ Quelques stratégies supplémentaires?

Dans cette dernière sous-partie, je vais donner plusieurs conseils qui ne sont pas absolus mais qui peuvent aider dans certaines circonstances.

-Anticipation des envois : Pour commencer, essayez d’anticiper l’endroit où votre adversaire placera ses cartes. Cela demande une certaine expérience ainsi qu’une compréhension du jeu de l’adversaire, mais ça peut s’avérer utile. Par exemple, si votre adversaire sépare absolument toutes les cartes commençant par le même son, vous pouvez déjà vous faire une idée d’où il placera celle que vous lui envoyez, s’il en a déjà de son côté. Idem pour les cartes à 1 syllabe, souvent placées en rangée basse. S’il a déjà, par exemple, deux 1 syllabe à gauche, il mettra probablement les autres à droite. Certains joueurs ont également tendance à placer à des endroits pénibles (en haut, au milieu) les cartes qu’ils veulent attaquer, en prévision d’un futur envoi. Choisir de ne pas envoyer de telles cartes (souvent les cartes du type U, TSU, SHI, MO, YU…) peut être un choix stratégique si vous sentez que cet adversaire est de ce genre.

–Les renvois de cartes, une stratégie dangereuse : Un autre conseil serait de ne pas trop faire d’aller-retours avec les envois de carte. Admettons que vous envoyez URA, et que votre adversaire vous la renvoie. Continuer l’échange peut-être dangereux pour les deux joueurs. Je ne conseillerais donc ce type d’envoi qu’à 2 conditions (non cumulatives) : -Vous êtes confiant en votre capacité à suivre le changement sans aucune hésitation (dans mon cas, je sais que sur TSU ça ne me pose aucun problème). -Vous voulez tirez le niveau du match vers le bas.

Concernant ce deuxième point, l’idée est que vous allez tous les deux galérer, donc ce sera à celui qui joue le moins mal, et pas à celui qui joue le mieux. C’est une stratégie qui se vaut contre un adversaire meilleur, et j’en ai plusieurs fois été victime (pas sur les envois de cartes, mais sur d’autres aspects).

Sachez que ces échanges boomerang sont assez souvent mal perçus. Ça peut passer si c’est pour une carte qui a son importance (les deux joueurs veulent attaquer CHIHA et se la renvoient fréquemment). En revanche, renvoyer toutes les cartes que votre adversaire vous envoie, ce n’est pas extrêmement fair-play (c’était quelque chose que je faisais souvent quand je jouais défensivement, et que je suis bien content d’avoir arrêté). Pour l’anecdote, le jour même où j’ai écrit cette partie de l’article, j’ai lu le chapitre dans lequel Taichi tenait le même discours.

-Ajustement du nombre de cartes : cela peut paraître anecdotique, mais parfois, ça a son importance : il peut-être utile d’envoyer des cartes en priorité en fonction de leur emplacement. Par exemple, certains joueurs visent de manière complètement affichée la rangée en bas à droite. N’allez donc pas tout mettre de ce côté. Envoyez ces cartes-là à l’adversaire de manière à diminuer le nombre de cartes qu’il peut viser, ainsi que pour perturber sa mémorisation. De même, si vous avez 7 cartes en haut à gauche (généralement considéré comme beaucoup trop pour cette zone, proche de l’adversaire), ou encore 9 en bas à droite (au delà de 8, vous perdez énormément en précision et risquez de perdre les cartes juste parce que votre adversaire vise pile la bonne carte, et vous la rangée), commencez par réduire ce nombre assez dérangeant. Sauf, évidemment, si vous avez toutes les cartes HA par exemple. Dans ce cas, vous pouvez « gagner du temps » en déplaçant certaines cartes afin d’équilibrer votre terrain, et envoyer rapidement la moitié de vos cartes en HA.

–Une logique d’envoi : Un dernier point dont j’aimerais parler est la constance dans les envois. C’est un aspect sur lequel je ne suis moi-même pas encore fixé, je teste et j’en tire des conclusions (qui ont tendance à varier un peu). En gros, une « stratégie » possible est de toujours envoyer les mêmes cartes lorsque vous séparez des cartes jumelles. Par exemple, si vous avez HARUSU et HARUNO, vous prenez la décision de toujours envoyer HARUNO. Cela vous permet d’être plus à l’aise sur les cartes jumelles qui se trouvent chez l’adversaire, puisque vous avez l’habitude de jouer dans cette configuration. Vous savez que si HARUNO est lue, vous n’avez qu’à foncer chez l’adversaire, et que dans le cas contraire, vous pouvez balayer chez vous. J’en parlais un peu plus haut.

Le seul risque ici, et c’est pour ça que je ne peux pas encore vous inciter à exploiter cette stratégie (j’en suis toujours aux phases de test), c’est que vous pourriez réagir par habitude de cette façon même dans l’hypothèse où la situation serait inversée (=vous avez HARUNO, et votre adversaire HARUSU). Je pense qu’il est possible d’éviter cette situation en se créant mentalement deux cas de figures : l’hypothèse idéale, et la mémorisation active. Dans l’hypothèse idéale, vous avez votre configuration souhaitée (que ce soit par hasard, ou parce que vous avez envoyé la bonne carte), donc il suffit d’en être conscient pour prendre la carte « comme d’habitude ». En revanche, dans l’autre cas (qui arrivera nécessairement moins souvent), vous ne devez pas vous dire que vous êtes dans la « mauvaise configuration », mais vous devez simplement mémoriser la carte adverse comme si elle était seule. Vous la mémorisez activement pour être sûr de la prendre, et au final, vous prendrez l’autre carte en modori-te quand vous aurez réalisé que la carte lue n’était pas celle d’en face. Bref, c’est la technique de base de la modori-te en karuta offensif.

En procédant de cette façon, je pense qu’il est possible d’obtenir des résultats supérieurs dans la configuration idéale (qui doit arriver 6 fois sur 10 quand les 2 cartes sont en jeu), et normaux dans l’autre configuration.

Pour ce qui est du choix de la carte, personnellement je procède aux sensations. Si durant un match j’ai fait une super prise sur une wakare-fuda, après le match, je me repasse la scène dans la tête plein de fois, et je fais des exercices dans cette configuration pour bien l’enregistrer. Ceci, plus une logique personnelle qui est que dans l’ensemble, je garde chez moi les « sons forts », et envoie les « sons faibles ». Ce que j’entends par là, c’est que certaines consonnes accrochent plus que d’autres. Par exemple, dans MIKANO, le son est fluide, découle tranquillement, alors que dans MIKAKI, on accroche un peu sur le deuxième K. C’est cet accrochage qui me sert de repère pour me dire « Ah, il faut que je revienne chez moi ! ». En bref, quand j’accroche sur le son, je fais un changement brusque de direction.

Ne vous sentez pas obligés de me copier sur cette stratégie, mais si vous envisagez de vous améliorer sur les wakare-fuda, c’est une piste à envisager. Chez moi, en tout cas, ça semble fonctionner pour le moment (je viendrai mettre ça à jour dans quelques mois quand j’aurai encore plus de recul (à l’heure où j’écris cet article, j’en suis à 3 mois de test environ).

Donc pour résumer?

1. Séparez les cartes jumelles en priorité.

2. Une fois toutes les cartes jumelles séparées, envoyez des cartes sœurs et cousines pour équilibrer. Plus la différence entre votre nombre de cartes et celui de votre adversaire est grande, plus l’envoi est prioritaire.

3. Une fois qu’il n’y a pas plus d’une carte de différence sur une même syllabe entre votre terrain et celui de l’adversaire, envoyez vos bonnes cartes, et notamment vos cartes à 2 syllabe, afin de mettre la pression sur le terrain adverse. Dans un même ordre d’idée, envoyez les cartes que votre adversaire semble viser.

4. Terminez d’équilibrer le terrain en votre faveur, en faisant en sorte que votre adversaire ait un peu plus de cartes sœurs et cousines que vous (mais juste un peu). En fin de partie, il devient surtout important de ne pas faire de mauvais envois, car dans l’idéal vous aurez déjà envoyé toutes les cartes qui devaient impérativement l’être.

Note : Quand vous séparez les cartes jumelles ou équilibrez les terrains, tenez compte également des autres conseils. Si vous adorez attaquer CHIHA et que vous avez les 3 cartes en CHI, n’allez pas envoyer HARUSU ou HARUNO, profitez-en pour faire d’une carte deux coups en envoyant CHIHA. De même, si vous avez 6 cartes en NA, dépêchez-vous de les envoyer, n’attendez pas d’avoir envoyé votre carte préférée. Enfin, même si séparer les jumelles reste généralement prioritaire, la situation pourra exiger par moment que vous procédiez autrement : vous voyez clairement que votre adversaire est bon sur vos cartes en bas à droite, qu’il ne vise aucune carte en bas à gauche, vous avez besoin de prendre telle carte rapidement en attaque pour trouver votre rythme… autant de raisons qui peuvent justifier que, exceptionnellement, vous passiez outre la « règle » qui est de séparer prioritairement les jumelles. Gardez un minimum de flexibilité.

II/ Mise en pratique

Dans cette deuxième section, qui sera bien plus courte que la première, l’objectif sera de vous montrer en pratique de quelle façon je vous recommande d’envoyer les cartes. Évidemment, cet ordre n’a de sens que dans cette situation particulière, en tenant compte des cartes de chaque côté. Pour commencer, je vous recommande de regarder les cartes sur cette image, et de vous imaginer quelles seront les 6 premières cartes que vous enverrez, et dans quel ordre. Faites bien attention aux deux côtés.


Une fois que vous avez ceci en tête, lisez la suite de la section. Pour plus de clarté, nous considérons ici qu’à chaque tour, vous envoyez une carte alors que les cartes de votre adversaire ne baissent pas en nombre. Ce n’est possible que s’il fait une faute à chaque lecture (le pauvre), mais c’est évidemment pour faciliter la compréhension.


Je commenterai chaque envoi de carte en bas des images (merci à Juliette pour me les avoir préparées). La première carte à envoyer sera sans aucun doute NAGAKA ou NAGARA. Vous avez 4 cartes en NA, parmi celles-ci 2 jumelles, et votre adversaire 1 seule. Le choix est vite fait. En l’envoyant, vous équilibrez le nombre de cartes en NA, et vous séparez les jumelles : une pierre deux coups. A vous de voir si vous préférez envoyer NAGARA ou NAGAKA.


Ensuite, c’est TSUKU ou TSUKI que vous devrez envoyer, toujours selon la même logique de séparation. Elles deviennent à 1 syllabe, ce qui est très dangereux face à un adversaire offensif. C’aurait été la carte à envoyer en priorité si vous n’aviez pas eu autant de cartes en NA.


La carte suivante à envoyer sera INI. Si l’on envoie INI plutôt que IMAKO, c’est parce qu’elle est plus courte, donc plus facile à attaquer. Notez toutefois que ces deux cartes ne sont pas jumelles. Tant que la carte IMAWA n’a pas été lue, cet envoi est important, mais pas prioritaire. Les circonstances pourraient vous amener à envoyer une autre carte avant (si par exemple vous avez 3 TA, votre adversaire 2, et que ses deux cartes sont lues, envoyer un TA deviendra prioritaire, alors que ça ne l’était pas du tout au début de la partie). En revanche, si IMAWA vient d’être lue, cela signifie que vous avez les deux seules cartes en I, ce qui est dangereux. Dans ce cas là, l’envoi devient prioritaire. Soyez toujours conscient que l’ordre de priorité change après chaque carte lue.


Votre envoi suivant sera probablement NATSU. Vous avez toujours plus de cartes en NA que votre adversaire, et c’est une carte courte, donc facile à attaquer. Si vous ne l’envoyez pas, votre adversaire sera dans une situation avantageuse sur le son NA.

A ce stade de la partie, vous avez globalement réussi à équilibrer le terrain, et il n’existe plus d’envoi véritablement urgent. Essayez donc de trouver quels sont les 3 envois malgré tout intéressants, et les 5 envois au contraire à ne pas réaliser.


Commençons avec les envois à ne pas faire. Les plus évidents sont NAGA, TSU et IMAKO. Ce sont des cartes que vous avez expressément séparées, les envoyer serait donc une très mauvaise idée. NAGEKE et HANASA sont également des envois à proscrire, puisque depuis le début, ces deux cartes sont séparées.

Poursuivons avec les envois envisageables : CHIHA et KIRI sont des envois assez recommandables. Ce sont des cartes courtes, qui sont souvent visées (surtout CHIHA). Les envoyer vous permettra de jouer de manière plus agressive encore. WAGAI (ou WASURE) n’est pas une carte urgente à envoyer, puisque votre adversaire a déjà WABI, et que c’est une 3 syllabe. Toutefois, vous en avez 2, votre adversaire 1, donc c’est loin d’être un mauvais envoi. Enfin, KAZESO et SE seront plus dépendantes de votre style de jeu. Ce sont des cartes isolées qui n’ont aucun équivalent sur le terrain. Cela en fait des cartes assez faciles à prendre et à mémoriser, puisqu’aucune carte ne viendra vous gêner.

Pour KAZESO, beaucoup de joueurs auront tendance à la garder, car cela en fait une carte facile à protéger. Une stratégie assez répandue auprès des Karuta offensifs est de quasiment abandonner toutes les cartes chez soi ayant des équivalents en face, mais de bien protéger les cartes isolées. A vous de voir si cette stratégie vous convient. Pour ma part, j’aime beaucoup attaquer les 3 syllabes, donc j’aurai tendance à l’envoyer. Concernant SE, ce sera encore plus dépendant de votre style, comme expliqué plus tôt dans la partie théorique. Si vous souhaitez jouer un style extrêmement agressif, ce sera un envoi tout à fait intéressant. Il faut toutefois être conscient que vous devrez passer du temps sur sa mémorisation pour être sûr de la prendre rapidement (votre adversaire n’aura lui que peu d’efforts à faire pour être rapide, donc il faut compenser). Personnellement, j’aurai tendance à la garder chez moi, car il est très rare qu’on me la prenne, mais je pourrai choisir de l’envoyer si je me sens particulièrement en forme, si je suis en train de gagner et que je souhaite imposer définitivement mon rythme, ou encore si je vois que mon adversaire n’est pas hyper réactif sur les 1 syllabes et que j’en ai déjà pris chez lui. A vous de voir quel type de stratégie vous convient.

CONCLUSION

Maintenant que vous avez lu cet article, je pense que vous avez une meilleure vision de la façon dont sont gérés les envois, et de leur impact stratégique. C’est selon moi vraiment ce qui est à la base d’une stratégie. Pour ceux qui jouent aux échecs ou encore au Shôgi, il faut vraiment voir ça comme une « ouverture ». Cette logique d’envoi sera le socle de votre style de jeu. Beaucoup de joueurs utilisent au final la même logique, assez simple, telle que je l’ai décrite (séparer les jumelles, envoyer les cartes courtes), sans forcément savoir pourquoi. Mais le fait est que cette stratégie marche, et à partir du moment où l’on joue offensivement, l’alchimie fonctionne. Par conséquent, pas besoin de comprendre pour appliquer. La raison pour laquelle je prends autant de temps pour expliquer le pourquoi du comment, c’est parce que les Japonais ont l’habitude d’exécuter exactement comme on leur a appris. Quand ton sempai te dit de jouer offensivement, généralement, tu ne te poses même pas la question de choisir ton style. En revanche, en France, on a tendance à aimer se démarquer, et surtout, les sempai expérimentés dans notre club ne sont pas encore suffisamment nombreux. Dans ces conditions, chacun fonctionne un peu à sa manière, et ça donne souvent du Karuta assez défensif.

Certains ont prêté attention à mes conseils et se sont orientés vers un style offensif, mais n’envoient pas les cartes comme le feraient un joueur offensif. Par conséquent, ils sont entre deux, et leur style perd en cohérence. Pour faire des parallèles (j’aime les parallèles), ce serait comme un Guerrier utilisant en permanence la posture Berserk alors qu’il a un stuff tank : il veut jouer agressif, mais il ne s’est pas préparé pour. Au Shogi, ce serait comme faire une ouverture super défensive mais jouer des coups super agressifs (sans possibilité de les soutenir vu que vous êtes dans une posture défensive). En période d’examen, ce serait comme apprendre par cœur votre cours sans apprendre la méthode de dissertation. Bref, les envois de cartes sont à la base de tout. Avoir une posture offensive mais faire des envois défensifs (envoyer les cartes sur lesquelles ont est mauvais) vous rend au final mauvais partout. Donc pour commencer, suivez mon conseil, jouez de manière offensive, effectuez des envois adaptés à un style offensif, et imprégnez-vous de la théorie. Une fois cette théorie acquise, il sera toujours temps de faire évoluer votre style vers quelque chose de plus personnel. Et à ce moment là, vous pourrez relire cet article et mieux comprendre pourquoi je disais de réfléchir de telle ou telle façon au moment de l’envoi.

Comme d’habitude, si vous avez le moindre doute sur un point, n’hésitez pas à laisser un commentaire.

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