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Chroniques d’un week-end à Munich

28/06/2019 – Quentin M


Partie 1 :


C’est la première fois que je prends la plume sur cette page pour vous conter le récit d’un nouveau moment historique concernant la propagation du Karuta à travers le monde. Ce Samedi 15 juin, à Munich, des joueurs des quatre coins de l’Europe se sont réunis pour la troisième année consécutive afin de pratiquer le Karuta. Mais à la différence des deux années passées, ce n’était pas un camp d’entraînement qui était organisé, cette fois, mais un tournoi Européen. Ce qui rend cette journée historique, c’est qu’il s’agissait du premier tournoi en dehors du Japon à être sponsorisé par l’AJKA (All Japan Karuta Association), c’est-à-dire un tournoi officiel reconnu par le Japon. Je me souviens, il y a plus de deux ans, quand nous cherchions tout juste à faire sponsoriser le tournoi français par l’AJKA ; les conditions ne s’y étaient jamais prêtées, au final. Ce jour, pourtant, est enfin arrivé, lors du premier tournoi organisé par l’association de Karuta de Munich, qui a su tirer parti de l’expérience des deux camps d’entraînements précédents pour organiser un tournoi qui s’est déroulé dans des conditions splendides, digne des tournois japonais.


La conséquence majeure de cette reconnaissance officielle du tournoi était la possibilité de passer le 1er dan dans un tournoi en dehors du Japon. Jusqu’à maintenant cette possibilité n’existait même pas, et si l’on voulait progresser en dan, il était indispensable de se rendre au Japon pour participer à des tournois. On ne va pas se mentir, c’est un gros frein à la progression des joueurs Européens. Tout le monde n’a pas les moyens de se rendre au Japon régulièrement, et même là, ce n’est pas facile de monter en dan quand on ne se déplace que pour deux ou trois semaines et qu’on ne peut participer qu’à un ou deux tournois officiels par an. Je sais de quoi je parle, j’ai voyagé 4 fois au Japon en 4 ans, participé à 7 tournois D-kyuu au total, et je n’ai jamais réussi à obtenir des résultats suffisants pour passer le 1er dan, malgré un niveau reconnu par de nombreux joueurs expérimentés. C’est donc avec cette possibilité en tête que 8 joueurs français embarquent pour Munich : cinq joueurs de Paris (Rozenn, Amandine, Ava, Manuel et moi), un joueur de Lyon (Timothée), une joueuse de Belfort (Cécile) et une joueuse d’Aix-en-Provence (Iris). La diversité des clubs de France était bien représentée. Avant de continuer ce récit, je souhaite faire un petit aparté pour Coraline, qui était censée se joindre à nous, mais qui a dû annuler au dernier moment à cause de problèmes de santé. J’espère que tu récupèreras rapidement et que d’autres occasions comme celle-ci se présenteront à nouveau pour que tu puisses toi aussi profiter de cette expérience.


Tout commence le samedi à 9h20, avec un discours des organisateurs, à la manière des tournois japonais. Il n’y a plus de doute, ce tournoi a tout d’un tournoi officiel et nous comptons bien en profiter. Trois membres de l’AJKA sont présents : Yano-san, Kanata-san et Koizumi-san, qui sont tous trois des lecteurs officiels et qui vont se relayer entre chaque match. Nous connaissions très bien Yano-san et Kanata-san, qui nous ont déjà fait l’honneur de venir lire lors des tournois français. Le club de Munich est aussi fortement impliqué dans l’organisation, avec un discours d’ouverture de Mariko, et de plusieurs membres qui seront là pour aider à l’organisation.


Le tournoi se déroule en cinq matchs, sur un principe de double élimination, c’est-à-dire qu’on est éliminé après deux défaites. Le nombre de participants s’élève à 25, ce qui est quasiment deux fois plus élevé que les tournois français qu’on a organisé par le passé. Tous les participants présents n’ont pas de dan, à l’exception de 2 joueurs : Kazuki Kobayashi, 1er dan, qui vient de l’université de Waseda et qui étudie en Italie, et Peter Nemes, 2e dan, originaire de Hongrie et qui vient d’obtenir son 2e dan au début du mois de juin au Japon. La participation de joueurs ayant des dan induit qu’il ne sera pas forcément nécessaire de gagner le tournoi pour pouvoir être recommandé pour le 1er dan. Cette recommandation échoira à l’un des concurrents n’ayant pas de dan, et la présence des deux joueurs ci-dessus est une opportunité d’appuyer encore plus notre cause si nous obtenons de bons résultats face à eux.


Le tirage au sort du premier match a lieu et le tournoi débute. La chance est partagée pour le tirage des joueurs français. Timothée et Iris tombent contre des joueurs expérimentés (Timothée contre Elia, et Iris contre Claudia), tandis que les autres joueurs vont avoir des matchs-up équilibrés ou favorables. En ce qui me concerne, je vais jouer contre Timea qui vient du club de Hongrie et c’est une des participantes que j’avais identifiée comme potentiellement difficile à battre car elle avait à priori un niveau similaire à celui de Peter l’année dernière.


Le match commence, et je rentre directement dedans. Durant au moins les 10 premiers poèmes, aucune carte morte n’est lue, à tel point que je me demande même s’ils n’ont pas tout simplement oublier de les ajouter au jeu du lecteur. J’enchaîne les bonnes prises en arrivant à creuser l’écart rapidement. Finalement une carte morte est lue, ouf, elles sont bien présentes. Je n’ai pas de moment de relâchement et je finis par l’emporter de 13 cartes. Mon niveau durant ce premier match m’a bien mis en confiance pour la suite. En ce qui concerne les autres joueurs français, Iris, Timothée et Ava vont perdre leur premier match, tandis que Cécile, Rozenn, Amandine et Manuel vont gagner.


Le tirage au sort du deuxième match a lieu et je me retrouve contre Claudia, une des meilleures joueuses allemandes mais que je devrais pouvoir battre. Amandine est la seule joueuse avec une victoire qui va jouer contre une joueuse avec une défaite en raison du nombre impair, mais cette chance ne se révèle pas en être une car elle tire Timea, qui a un très bon niveau malgré sa défaite contre moi. Lors de mon match contre Claudia, je réalise globalement un bon match mais je joue légèrement en-dessous du niveau que j’avais contre Timea, ce qui me conduit à un score plus serré, mais une victoire tout de même, de 7 cartes. Parmi les autres joueurs français, Iris et Timothee qui n’ont à nouveau pas eu de match-up favorable vont perdre leur match. Malheureusement pour eux, ils n’ont pas eu de chance au tirage mais, au moins, ils n’ont pas démérité en persévérant jusqu’au bout. Amandine, malgré une première moitié de match à son avantage, va finalement concéder la victoire à Timea. Rozenn, qui ne lâche rien, va également ployer face à son adversaire. Manuel, Cécile et Ava, eux, vont gagner leurs matchs. Ils ne restent donc plus que 6 joueurs français en lice.

Le deuxième match est fini. J’ai eu deux premiers match-up pas forcément évident que j’ai su mener correctement, mais maintenant il ne reste plus que des gros joueurs. Je me fais à l’idée : si je veux gagner ce tournoi, je n’aurai donc aucun match reposant. Tant mieux, je préfère jouer contre des adversaires forts ! A l’issue de ce second match, il ne reste plus que 6 joueurs sans défaites, dont 3 joueurs français : Manuel, Cécile et moi. Les 3 autres joueurs sont Kazuki (1er dan), Peter (2e dan) et Elia qui a un très bon niveau (je n’avais encore jamais réussi à gagner contre lui). Autant dire que ça ne va pas être facile car chacun de nous va se retrouver contre un de ces joueurs (on ne peut jouer contre des gens de notre pays que s’il n’y a pas d’autre choix). Sur un ton de rigolade je dis à Cécile qu’il suffit que chacun de nous gagne son match pour éliminer deux des plus grandes menaces afin qu’un français gagne la coupe. Cécile jouera contre Elia, et moi contre Peter.


Le troisième match commence et les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. Je fais un mauvais début de match contre Peter et ça ne pardonne pas au vu de son niveau. Il creuse très vite un écart de 8-9 cartes. J’arrive néanmoins à me remettre dans le match en enchaînant quelques bonnes prises, mais ce mauvais début de match me sera fatal. Même une fois revenu dans le match, j’arrive à faire quasiment jeu égal avec Peter. Hélas, il est impossible pour moi de rattraper l’écart qui s‘est creusé au début du match. Je finis par perdre de 11 cartes. C’était néanmoins un match très plaisant et j’ai pris plaisir à m’accrocher jusqu’au bout. Je ne perds pas courage, même si la coupe n’est plus à portée, je peux toujours faire un bon résultat. De son côté, Cécile finira par perdre contre Elia de 4 cartes, et Manuel n’aura pas démérité en résistant face à Kazuki et en ne perdant que de 13 cartes malgré la grosse différence de niveau. Suite à ce troisième match, c’est donc confirmé, ce ne sera pas un français qui gagnera le tournoi. Mais pas question de se décourager pour autant, on peut encore faire un bon résultat ! Du côté des autres joueurs, Amandine va faire un très bon match contre Claudia et gagner de 15 cartes. Malheureusement pour Ava et Rozenn, leur aventure dans ce tournoi s’arrête là, bien qu’elles se soient accrochées jusqu’au bout. Elles perdront toutes les deux en unmeisen, leur carte n’étant pas lue. Décidément, la chance n’est pas de notre côté aujourd’hui. Il ne reste donc plus que 4 français en lice : Cécile, moi, Amandine et Manuel. La moindre défaite est désormais synonyme d’élimination pour chacun de nous. Encore deux matchs à jouer.


Pour la quatrième manche, je vais avoir mon premier match que je peux aborder l’esprit léger. Mon adversaire est Yuanyi, un joueur de Londres, qui vient de battre Ava en unmeisen. Je lui demande ce qu’elle a pensé de son niveau et à priori il ne devrait pas me poser de difficulté. Le match commence, et durant les premières cartes, on reste à peu près à égalité. Il fait de bonnes prises chez moi, mais je prends facilement ses cartes. Je vais très rapidement me rendre compte qu’il semble ne pas du tout avoir mémorisé son terrain et qu’il se concentre uniquement sur le mien. J’adapte mes réactions en prenant cet élément en compte et je change ma stratégie en lui envoyant les cartes qu’il vise. Je défends correctement mon terrain, et je n’ai pas besoin de faire de bonnes prises pour prendre les cartes chez lui. Je finis par l’emporter de 16 cartes, ce qui me permet un moment de repos avant le dernier match. De son côté, Amandine a encore une fois de la malchance au tirage puisqu’elle va être la seule joueuse avec une défaite à jouer contre un joueur sans défaite, et va se retrouver opposée à Kazuki. Malgré de très bonnes réactions, elle n’arrive pas à concrétiser et elle finira par perdre de 13 cartes. Manuel va également perdre face à la troisième joueuse hongroise, Eszter, après un match très serré. L’aventure s’arrête donc ici pour eux deux. De son côté, Cécile va gagner son match face à Timea de 13 cartes, sans grosse difficulté. Peter finira par l’emporter de deux cartes contre Elia, après un match extrêmement tendu.


Il ne reste donc plus que deux joueurs sans défaites, Peter et Kazuki, les deux joueurs ayant des dan. La finale se jouera donc entre eux. Mais rien n’est perdu pour nous. En effet, pour tous les joueurs sans dan ayant une défaite, il est toujours possible d’être le meilleur joueur dans cette catégorie et, donc, de se voir offrir une recommandation pour le 1er dan. Le tirage a lieu, je vais jouer contre Elia, et Cécile contre Francesco. Puisqu’ Elia, Francesco et moi, n’avons qu’une défaite contre Peter, ces deux matchs vont être décisifs pour décider de la troisième place. Mon match contre Elia va commencer. J’ai déjà pu jouer quatre fois contre lui, et je n’ai encore jamais réussi à gagner. L’objectif est donc double pour moi : gagner mon premier match contre lui et obtenir le premier dan. Le match commence, j’arrive à rentrer dedans et à faire de bonnes prises, mais Elia réagit également très rapidement. Il va vite creuser un petit écart qu’il conservera pendant la majorité du match malgré plusieurs fautes au début de la partie. Vers la fin du match, j’arrive à remonter à 9 cartes pour moi et 7 pour lui. C’est à ce moment que le match va basculer. Elia commet une première double-faute (il touche le mauvais terrain et je prends la bonne carte). Quelques cartes après, je perds l’avantage que je venais d’acquérir en commettant une faute. Un “TA” est lu, j’entends mal le son et je balaie KA(KU) dès la première syllabe sur la rangée en bas d’Elia. Je me dis que ce n’est pas grave, ça égalise juste avec la faute qu’Elia vient de faire. Plusieurs cartes sont lues, Elia m’a envoyé TACHI et AMA(TSU) et c’est là que le match va complètement pencher en ma faveur. Lorsque AMA(TSU) est lue, Elia balaye chez lui pendant que je prends la carte chez moi. Ensuite TACHI est lue et la même chose se répète. Je finis donc par arriver à 1-7 pour moi et je gagne en prenant NANI(WAE) chez Elia. Le match est fini, je suis rempli de joie : j’ai réussi ! Cécile a emporté son match juste avant moi, en gagnant de 8 cartes contre Francesco. La France a sauvé l’honneur de la douche froide du troisième match, avec deux victoires sur deux lors de cette cinquième et dernière manche. Du côté de la finale, c’est Kazuki qui finira par l’emporter face à Peter et qui sera donc champion du tournoi de Munich. Ils ont tous les deux offert une très belle performance lors de ce tournoi.


C’est bon, l’affrontement est fini, et je commence à faire les calculs pour savoir qui arrivera en troisième position. Je finis par me rendre compte que je suis le seul joueur sans dan à ne pas avoir perdu contre un autre joueur sans dan, et j’en déduis que je devrais avoir la troisième place. Enfin vient la remise des prix. Les noms des deux premiers gagnants ne surprennent personne. La troisième place est annoncée, c’est bien moi, et à ce moment, je suis empli d’une grande fierté suite à ce résultat. Il n’y a pas eu de classements pour les places suivantes, mais Cécile serait vraisemblablement quatrième. Les deux premières places des joueurs sans dan sont donc occupées par des joueurs français. On peut être fier de notre parcours.


Finalement vient la question du passage de dan, qui n’a pas été abordée lors de la remise des prix. Pendant les semaines et les mois qui précédaient le tournoi, je me suis posé la question de nombreuses fois : est-ce que je souhaite réellement accepter mon premier dan si je gagne ce tournoi ? Je n’ai jamais réussi à passer cette étape, malgré les nombreux tournois que j’ai pu faire au Japon, et l’obtenir dans ce tournoi européen apparait comme une petite porte. C’est donc avec ce doute que j’aborde la question de la recommandation pour le premier dan avec Yano-san et Kanata-san. Ils me jugent au niveau et sont prêts à me recommander, mais j’ai toujours ce doute qui m’habite et je prends du temps pour réfléchir à ma décision. Finalement, je repense à la symbolique qu’a ce tournoi pour les joueurs étrangers et la signification importante que le premier passage de dan lors d’un tournoi officiel en dehors du Japon représente pour l’avenir du Karuta dans le monde : ce n’est pas une petite porte. L’objectif à long terme est que ça puisse devenir courant et qu’un dan gagné lors d’un tournoi à l’étranger soit aussi méritoire qu’un dan gagné dans un tournoi au Japon. C’est le premier pas vers cet objectif pour la communauté internationale de Karuta et c’est avec plaisir que je décide de le prendre. Après 4 ans et demi de pratique du Karuta et 8 tournois individuels, je vais finalement passer mon premier dan. Comme quoi, il n’est jamais trop tard, et la persévérance finit par payer. C’est une grande fierté pour moi d’être acteur de ce moment historique pour la communauté européenne (et même internationale !) et ça ne fait que me motiver davantage à m’entraîner pour progresser.


Je vais participer à des tournois au Japon prochainement et je compte bien me préparer au maximum pour obtenir des résultats et montrer que ce premier dan est mérité.


Partie 2 :


Le tournoi est fini. Les gagnants ont récupéré leur prix. Mais il n’est pas l’heure de rentrer pour autant. En effet, après une journée de dur labeur, forte en émotions, tous les joueurs vont se retrouver autour d’un bon repas. Mais avant de se diriger vers le restaurant, Yano-san nous donne des informations capitales sur un évènement majeur à venir.


En mai 2020 se tiendra, au Japon, un grand évènement international de Karuta, à l’occasion des Jeux Olympiques, dont notamment un tournoi international par équipe à l’image du Sekai Taikai de novembre dernier. Cet évènement sera co-organisé par l’AJKA (All Japan Karuta Association) ainsi que les villes d’Otsu, de Tokyo et de Fukui. Forte de sa victoire au Sekai Taikai, autant dire que l’équipe française y sera présente ! Mais ce n’est pas le sujet de cette chronique. J’en parlerais donc plus en détail dans un autre article.


Sur cette bonne nouvelle, les joueurs se mettent en route, et la soirée se poursuit dans une ambiance conviviale. On mange dans un restaurant typiquement allemand, et c’est l’occasion d’échanger dans un contexte informel avec tous ces joueurs d’autres nationalités. On finira par ne pas rentrer trop tard, afin de pouvoir se reposer au mieux pour la journée du lendemain, durant laquelle un entraînement nous attend. Ce tournoi a été épuisant pour les joueurs qui n’ont pas l’habitude d’un tel rythme et du nombre de matchs qu’un tel évènement demande.


Dimanche matin, 9h. L’ambiance est détendue, les joueurs arrivent petit à petit sur le lieu de l’entraînement. Pas question de tournoi ce jour-là, on est donc libre de se confronter aux joueurs de notre choix. En ce qui me concerne, pour le premier match, c’est Francesco que j’affronterai. On a déjà eu l’occasion de jouer deux fois ensemble lors des camps d’entraînement précédents (une victoire chacun). La veille, Francesco a obtenu un résultat très serré contre Peter lors de la première manche (défaite de deux cartes). C’est donc avec l’objectif de me donner à fond dès le début que j’entame ce match.

L’écart va rester la même tout au long de la partie. J’arrive à rentrer dans le match dès le début, mais Francesco aussi. Il va creuser une légère différence de quelques cartes qu’il maintiendra jusqu’au bout. J’essaie de rattraper cet écart sur la fin, mais je n’y arrive pas. Finalement, je lui concède une victoire de 5 cartes. Pas de regrets à l’issue de cette confrontation : j’ai fait un match plutôt bon, même si je n’ai pas joué au même niveau que contre Tímea, la veille, et Francesco ne s’est relâché à aucun moment, ce qui lui a permis de conserver l’avantage qu’il avait pris. En tout cas, ça me fait plaisir de voir que les Italiens ne se laissent rien tomber et continuent de progresser. C’est le pays avec lequel nous avons les liens les plus forts (dois-je rappeler que nous avions choisi ensemble les matchs-up lors du match France-Italie au Sekai Taikai ?).


Ava et Timothée, les éternels rivaux, ont joué ce premier match ensemble, qui se solde sur une victoire d’Ava de 2 cartes, après un combat serré que Timothée menait. Amandine, de son coté, jouera contre Peter, mais n'arrivera pas à concrétiser malgré plus de cartes prises que son adversaire. Pour elle, qui n’a pas dormi de la nuit, la fatigue se fait trop ressentir. Cécile jouera contre Aoi-san, une japonaise B-kyuu de Kyoto Daigaku, mais perdra son match de 6 cartes. Rozenn fera du mieux qu'elle peut, mais elle perdra finalement de 13 cartes contre Laura. Enfin, Manuel arrache une victoire in extremis en gagnant en unmeisen face à Claudia.


On enchaine sur le deuxième match durant lequel je vais jouer contre Eszter, la troisième hongroise présente à Munich, qui devrait avoir un niveau inférieur à celui de Tímea. C’est Amandine qui va lire, ce qui me motive encore plus à faire un bon match. Nous avons NANIWAE et NANISHI en jeu. La première carte lue est NANIWAGA et je fais une faute en touchant NANIWAE chez moi. Je ne commence pas sous les meilleurs auspices, mais ça ne devrait pas poser de souci par la suite. Je ne fais pas mon meilleur match du tournoi, mais je rattrape très rapidement le retard que j'ai pris et je creuse un écart de plus en plus significatif. Vient le moment où FU est lue. J’entends très distinctement le début du son, réagis extrêmement rapidement et prends la carte chez Eszter, malgré sa réaction, que j'observe au moment de prendre la carte. Durant la dernière partie du match, mon niveau de jeu va diminuer et je vais mettre un peu de temps à conclure. Je finirais tout de même par l'emporter de 13 cartes.


Timothée se contentera de rester pour le début de ce match, puis partira pour récupérer son avion pour rentrer à Lyon. Cécile, elle, disputera son dernier match du week-end contre Kazuki, le champion du tournoi, et l’emportera de 2 cartes avant de reprendre la route. Rozenn va perdre son match de 16 cartes et s’arrêtera là, la fatigue s’étant accumulée tout au long des deux jours. Manuel et Ava finiront leur match presque en même temps, en perdant chacun respectivement de 10 et 11 cartes.


Nous aurons le temps de faire un troisième et dernier match lors de cette journée d’entraînement, mais ce ne sera pas un match comme les autres. En effet, c’est un match par équipe que nous allons disputer. Un capitaine japonais par équipe : l’équipe Tonpei menée par Yano-san (A-kyuu), l’équipe Waseda menée par Kanata-san (A-kyuu), l’équipe Kyoto menée par Aoi-san (B-kyuu) et l’équipe Saitama menée par Kazuki (C-kyuu). Pour l’anecdote, Kazuki vient aussi de Waseda, mais puisqu’il y avait déjà une équipe Waseda, le nom de son équipe vient du T-shirt « Saitama City » qu’il portait ce jour-là. Chaque capitaine a choisi à tour de rôle les joueurs qui composent son équipe. Les joueurs français vont donc être séparés dans les différentes équipes. En ce qui me concerne, je suis rassuré : je suis dans la même équipe qu’Amandine, on va pouvoir se motiver mutuellement. C’est Kanata-san qui nous aura choisis dans son équipe, et nous comptons bien lui prouver qu’elle a eu raison de nous faire confiance. Les deux autres personnes avec nous sont Eszter, la hongroise contre qui j’ai joué au match précédent, et Leonardo, qui vient d’Allemagne, mais ne fait pas partie du club de Munich.


Les matchs sont décidés, et c’est contre la team Tonpei de Yano-san que nous allons jouer. Notre capitaine d’équipe, Kanata-san, jouera contre Laura du club de Munich. Amandine va se retrouver confrontée à Iris, tandis que de leur côté, Léonardo et Eszter ne vont pas avoir des matchs faciles, chacun jouant respectivement contre Peter et Yano-san. Enfin, je vais de nouveau jouer contre Tímea, que j’ai vaincue la veille lors du premier match du tournoi. Sur les 5 matchs, le plus équilibré se trouve être le mien. Les quatre autres matchs présentent des grosses différences de niveau, et sauf retournement de situation, ils devraient donner 2 victoires pour notre équipe et deux pour l’équipe adverse. Cela me rappelle tout de suite la situation du tournoi interculturel de 2017, lors du deuxième match, durant lequel l’équipe française se trouvait à deux victoires et deux défaites, et où notre succès reposait sur mon match, que j’ai finalement emporté de 2 cartes.


C’est donc en sachant que la victoire de mon équipe risque de reposer sur mes épaules que j’entame ce match. Néanmoins, je ne me mets pas de pression inutile : j’ai réussi à gagner de 13 la veille contre Tímea, donc si j’arrive à refaire un match du même acabit, il n’y a pas de raison que je perde.

La mémorisation commence, et au cours de celle-ci, je vais me faire la même réflexion à plusieurs reprises : « c’est drôle, on a les mêmes WA qu’au match précédent » puis « les mêmes KA », etc… Induit en erreur par le fait que j’ai FU sur mon terrain, et qu’elle fait partie du groupe de cartes triées pour le dernier match, je n’y fait pas plus attention que ça durant toute la mémo. C’est seulement arrivé aux deux dernières minutes que le lien se fait dans ma tête : on a les mêmes cartes qu’au match précédent ! Je le dis à Tímea, et elle non plus ne l’avait pas remarqué. Il n’y a plus le temps de changer les cartes pour avoir les mêmes que tous les autres, nous allons donc devoir jouer un match en équipe avec des cartes différentes, ce qui va donner lieu à de drôles de réactions par la suite.


Le match commence. Vous vous rappelez que nous avions NANIWAE et NANISHI lors du match précédent ? Nous les avons donc encore en jeu cette fois puisque nous avons les mêmes cartes. Et vous n’avez, bien sûr, pas oublié la faute que j’ai faite sur la première carte lue, NANIWAGA, en touchant NANIWAE chez moi. L’ironie de la situation ne s’arrête pas là : le premier poème est lu, NANIWAGA, et comme au match précédent, je refais la faute en touchant NANIWAE chez moi. Encore une fois, le match ne commence pas de la meilleure façon, mais cette faute va être rattrapée dès la deuxième carte lue, OOKE, quand Tímea touche OOKO chez moi. Les cartes suivantes sont lues, et j’arrive à me lancer immédiatement dans le match. Je parviens à jouer à un niveau semblable à la veille, qui était mon meilleur match du tournoi, voire à un niveau légèrement supérieur. Mes réactions sont rapides, avec un bon timing. Ma mémorisation est bonne et j’ai l’esprit clair. Sans penser à certaines cartes en particulier, je réagis sur tous les sons. Lorsque MU est lue, je bouge sans hésiter et je la prends sur ma ligne en bas à gauche sur le son U alors que ME se trouvait en face chez Tímea. C’est ainsi que je creuse très rapidement un écart conséquent, la seule autre personne ayant un écart plus conséquent dans son match étant Peter. Je descends assez vite sous la barre des 10 cartes, mais je vais finalement mettre du temps à finir le match. Celui-ci se soldera à nouveau sur une victoire de 13 cartes, et je suis très satisfait de mon niveau de jeu pendant ce match.

Du côté des autres, Amandine a déjà gagné le sien contre Iris. Je suis content de voir qu’Iris semble avoir pris du plaisir à jouer contre elle. Leonardo a perdu contre Peter. Kanata va gagner contre Laura peu de temps après moi. Nous avons donc 3 victoires, mais il reste encore un match en cours : celui de Eszter contre Yano-san. Le match est étonnamment très serré, Eszter s’accroche et fait de très bonnes prises. Néanmoins, lorsque Yano-san voit qu’il ne reste plus que son match, il se remotive en tant que capitaine d’équipe et ne laisse plus aucune chance à Eszter. Cette dernière finira par perdre contre lui, mais elle peut être fière du match qu’elle a mené.

Chez les autres équipes, il ne reste plus qu’un match en cours : celui de Francesco contre Kazuki. Ce dernier va finalement l’emporter de deux cartes, il me semble. De leur côté, Ava et Manuel était opposés respectivement à Elia et Aoi-san. Autant dire que ça n’a pas été une partie de rigolade pour eux, avec des défaites de 20 et 23 cartes.


L’ambiance, lors de ce match par équipe, était très bonne, avec des encouragements réguliers des capitaines d’équipes et des membres entre eux. Cela m’a permis de confirmer un peu plus un sentiment que j’avais déjà : je fais mes meilleurs matchs lorsque l’on joue par équipe et que les conditions sont bonnes. Voir que tout le monde s’accroche et essaie de faire son maximum ne fait que me motiver encore plus à donner le meilleur de moi-même. Mes meilleurs souvenirs en tournoi japonais sont lors des tournois par équipe (tournoi interculturel, tournoi international), au contraire des tournois individuels, à l’issue desquels je suis parfois ressorti avec une perte de motivation. J’ai finalement réussi à reprendre courage, lorsque j’ai participé à des tournois individuels lors de mon voyage au Japon, en octobre dernier. Et ça se concrétise avec le résultat que j’ai obtenu au tournoi de Munich. Mais au fond, ce sera toujours les tournois par équipe qui resteront les plus ancrés dans ma mémoire.


La journée d’entraînement est terminée, mais nous allons avoir le droit à un petit cours de Yano-sensei, qui va donner des conseils à tout le monde sur différents aspects du karuta, comme par exemple les positionnements idéals des cartes longues, selon si on est droitier ou gaucher, si on a tendance à les protéger ou non, etc…


La page de ce week-end à Munich se tourne, et comme les deux années précédentes, j’en retiens une expérience fabuleuse. Je sais déjà que j’y serais de nouveau l’an prochain, sûrement pour un camp d’entraînement avant le tournoi international de 2020, pas juste parce que c’est un évènement important pour la diffusion du Karuta en Europe, mais parce que je prends un grand plaisir à y participer à chaque fois. Nous étions deux français la première année, puis sept la deuxième année, et cette fois huit. J’espère qu’on arrivera à être plus de dix l’année prochaine. En tout cas, j’ai pu voir que les huit membres de Karuta France qui sont venus à Munich y ont pris plaisir, et encore plus ceux qui venaient pour la première fois. Ça me remplit de joie et me motive à donner mon maximum pour l’association, avec Amandine et les autres membres du bureau.


Vous pouvez compter sur nous pour continuer à faire grandir le Karuta en Europe, et surtout en France !




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