17/04/2014 – Romain
Beaucoup de personnes pensent qu’en Karuta ce sont les réflexes qui permettent de réagir rapidement aux sons. Mais ce que ces personnes pensent dépendre des réflexes dépend en réalité de la concentration. Certains se diront que la nuance n’est pas indispensable, et qu’au final, cela revient au même, mais la différence est de taille : obtenir de bons réflexes est bien plus difficile que faire travailler sa concentration. S’il existe évidemment un caractère inné dans la concentration, il est moins fort, et s’entraîner permettra de compenser d’éventuelles lacunes. Améliorer ses réflexes est en revanche bien plus compliqué. Donc pour tous ceux qui se disent « j’ai de mauvais réflexes, je n’arriverai jamais à bien jouer au Karuta », soyez rassurés : vous n’utiliserez qu’assez peu vos réflexes. Et votre concentration s’améliorera naturellement avec le temps. Donc maintenant que ceci est clarifié, précisons un peu l’importance de la concentration.
La concentration permet de faire le lien entre le son et la syllabe déterminante (=identifier la syllabe déterminante), puis entre la syllabe déterminante et votre mémoire (=identifier l’emplacement de la carte). Ne pas être concentré, à l’inverse, peut avoir énormément d’effets indésirables. Cela peut ralentir votre vitesse de réaction, mais cela peut également vous faire réagir trop vite, sans attendre la syllabe déterminante. Tout ceci est assez théorique, mais j’insiste dessus car cela vous permettra à terme d’identifier vous-mêmes vos propres problèmes. Il peut en effet être utile de savoir que votre manque de vitesse est dû à un manque de concentration et non pas de mémorisation. Car les deux problèmes ne se règlent pas de la même façon.
Si vous sentez que vous réagissez mal à cause de votre concentration, alors cet article vous aidera à trouver des astuces pour mieux vous concentrer, et surtout vous indiquera quelles sont les choses que l’on fait souvent quand on débute, et qui peuvent faire obstacle.
I/ Ce qu’il ne faut pas faire
A/ Ne pas réfléchir
Réfléchir lorsque l’on joue est important, mais il faut choisir le bon moment. Vérifier l’emplacement des cartes, réfléchir à la façon dont vous allez prendre les cartes séparées, tout ceci peut être très utile. En revanche, à partir du moment où le lecteur a entamé la lecture de la 2e partie du poème, cessez de réfléchir, et ne pensez plus qu’au son.
Lorsque j’ai été lent sur une carte et que je me demande pourquoi (chose à ne pas faire durant les matchs importants, j’y reviendrai après), une fois sur deux, c’est parce que je pensais à autre chose (par exemple comment mieux se placer, comment prendre telle carte si elle est lue, etc…).
Dans un même ordre d’idée, la dernière chose à faire est de vérifier l’emplacement des cartes alors que le lecteur a déjà repris, car si par malheur vous deviez réaliser qu’une carte a été déplacée (ou que vous en avez perdu une de vue), vous ne pourrez plus l’oublier. Vérifier au tout dernier moment une carte est le meilleur moyen de commettre une faute si la carte lue ressemble à celle que vous avez vérifiée. Par exemple, si NAGARA est lue alors que vous venez de regarder NAGAKA, les chances pour que vous preniez instinctivement la carte augmenteront. Vous devez avoir l’esprit vide, donc évitez de vous disperser.
B/ Ne pas se remettre en question
C’est un point dont parle Chihaya dans la série, mais il est essentiel, lors des matchs importants, de ne pas se remettre en question. En entraînement, au contraire, c’est très utile, car ça vous permet de prendre conscience de vos erreurs, et vous pourrez ainsi tenter de les rectifier. En revanche, cela a également pour effet (c’est le but) de vous faire vous focaliser sur vos erreurs, et cela aboutira à une baisse du moral inévitable si vous ne réglez pas le problème. Cela peut parfois être nécessaire quand vous ne faites véritablement rien de bien, et que vous avez besoin de changer du tout au tout avant de perdre. Mais en général, cela aura juste pour effet de vous faire voir les choses négativement, ce qui entraîne nécessairement une baisse de concentration. Donc contentez-vous de vous dire « ok, je me reprends ! », sans essayer de découvrir le pourquoi du comment. D’autant plus qu’on en revient au problème précédemment cité, à savoir que vous « réfléchirez », et avant la lecture ce n’est pas une bonne idée.
C/ Ne pas accorder de l’importance à ses fautes
C’est un conseil que je m’adresse également, car c’est extrêmement difficile à mettre en œuvre. Commettre une faute, c’est perdre au final 2 cartes. Si vous vous attardez sur vos erreurs, vous allez véritablement broyer du noir, vous demander pourquoi vous avez fait ça, et vous dire que sans cette erreur, vous auriez 2 cartes de plus. Si vous vous persuadez que le vent souffle du côté de votre adversaire, vous finirez vraiment par jouer à contre-vent, donc lorsque vous commettez une faute, contentez-vous de prendre les choses à la rigolade, ou de voir les choses positivement (par exemple en vous disant qu’au moins, comme ça, vous ne ferez pas de faute sur la carte jumelle).
D/ Ne pas compter les cartes
C’est quelque chose que j’ai longtemps fait, et qu’on m’a toujours reproché, sous prétexte que cela me faisait perdre du temps, que j’aurais pu consacrer à la mémorisation des cartes. Je ne suis pas d’accord sur ce point, car avec l’habitude, il devient facile de compter toutes les cartes en l’espace d’une seconde, d’un simple coup d’œil. En revanche, cela reste une mauvaise idée, car vous n’en tirerez rien de bon. Si vous découvrez que vous avez du retard, cela vous mettra nécessairement la pression, et chaque carte que l’on vous prendra vous rappellera que l’écart ne fait que se creuser. A l’inverse, si vous découvrez que vous menez, vous vous relâcherez. Alors certes, vous vivrez mieux le fait de vous faire prendre des cartes, mais tant qu’à faire, autant ne pas se relâcher et ne pas s’en faire prendre du tout.
Le seul timing avec lequel il peut être intéressant de compter les cartes est lorsque le vent souffle de votre côté. Si vous avez récupéré un bon rythme, à la suite d’une faute de votre adversaire ou de plusieurs bonnes prises de votre part, compter les cartes (une fois) vous permettra de vous mettre en confiance et vous assurer que vous êtes sur la bonne voie. Mais choisissez de préférence un moment où vous êtes toujours mené, sinon vous risquez de vous relâcher à nouveau. Certains joueurs ne seront évidemment pas concernés par les baisses de moral, mais compter les cartes n’apporte pas grand-chose de positif, donc autant éviter de le faire. Ne serait-ce que parce que rares sont les joueurs à pouvoir se donner à 100% quand ils constatent qu’ils n’ont plus que quelques cartes à prendre.
E/ Ne pas jouer pour gagner
Ce titre va complètement à l’encontre de ce que je pense, et je vais donc user de nuance. Ne jouez jamais pour perdre. Pour être honnête, je déteste jouer contre quelqu’un qui joue pour perdre, sans la moindre volonté de vaincre. Le Karuta repose sur le mental, donc si vous jouez pour perdre, vous perdrez. Toutefois, vaincre votre adversaire ne doit pas être votre objectif premier. Ce dernier doit en effet être de faire le meilleur match possible. De prendre chaque carte le mieux possible. Jouer pour gagner, c’est s’éloigner de son objectif chaque fois que l’adversaire nous prend une carte ou que l’on commet une faute. Jouer pour gagner, c’est avoir une pression monstrueuse lorsqu’on arrive à un match important d’un tournoi. Jouer pour gagner, c’est voir la défaite lorsqu’il ne reste plus que quelques cartes en face. Et voir la défaite, penser que gagner est devenu presque impossible, cela ne peut mener qu’à la défaite. A l’inverse, viser son maximum à chaque carte, c’est se laisser la possibilité de renverser la partie.
Donc lorsque vous jouez contre quelqu’un d’incontestablement plus fort que vous, ne jouez pas pour le vaincre, car la tâche vous paraîtra tellement difficile que vous vous découragerez vite. Ne jouez pas non plus pour perdre, cela n’aurait aucune utilité, et ce serait manquer de respect à votre adversaire. Jouer simplement pour montrer votre meilleur niveau à ce joueur, et voir ce qui vous sépare de celui-ci.
Pour l’anecdote, quand je joue contre un joueur de haut niveau, par exemple 5e Dan, je me fixe toujours pour objectif de montrer à mon adversaire mon plus haut niveau, de lui prouver qu’il doit sortir tout ce qu’il a s’il veut me battre. Et au final, je n’envisage réellement la possibilité de gagner que lorsque je vois que j’ai une avance considérable, en fin de partie. Et idéalement, je ne devrais même pas y penser.
II/ Ce qu’on peut faire pour se concentrer
A/ Utiliser des lingettes rafraichissantes
J’en parlais dans l’article sur la mémorisation, mais ces lingettes ont pour particularité de vous réveiller (si vous prenez les bonnes). Et être bien réveillé, c’est pouvoir se concentrer plus facilement. Donc dès que vous sentez que la fatigue devient pesante, que votre concentration vous lâche, utilisez-en une pour vous réveiller.
B/ Trouver un truc pour se concentrer
Toute la question est « quel truc ? ». Pour ça, tout ce que je pourrai faire, c’est vous donner des pistes. Mais avant tout, un point essentiel : essayez ! Essayez tout ce qui vous passe par la tête, et qui pourrait avoir un effet sur vous, peut-être en trouverez-vous certains qui marchent. Pour vous donner des exemples, chaque fois que le lecteur commence à allonger la dernière syllabe, je ferme les paupières assez fort, puis je les rouvre juste avant que le poème ne soit lu. Pour une raison que j’ignore, cela m’aide à me concentrer (peut-être une sorte de réflexe pavlovien).
De même, il m’arrive, lorsque je perds toute ma concentration et/ou que je m’énerve, de me couper la respiration en baissant la tête. Je perds ainsi vite mon souffle, et me retrouve épuisé. Cela me permet de ne plus penser à rien, et donc de redevenir concentré.
Il m’est arrivé également de courir le plus vite possible à la fin des 15 minutes de mémorisation, car cela me permettait de sécréter de l’adrénaline, et donc d’être plus concentré.
Ces trois idées ne sont que des pistes : essayez-les, mais essayez-en d’autres également !
C/ Faire attention à son regard
Le regard est extrêmement important en Karuta. Non pas pour intimider votre adversaire, mais parce que de l’endroit que vous regardez dépendra la qualité de votre concentration. Ou plutôt, c’est le type de regard qui jouera le plus. Évidemment, décrire un regard est difficile, mais globalement, il ressort qu’avoir un regard figé sur le tatami, ou pire, sur une carte, rend la concentration plus difficile, car le fait de figer ce regard vous demandera déjà une certaine concentration. Je vous conseille plutôt d’avoir le regard vague, flou (sans pour autant loucher), de manière à ne pas vous concentrer le moins du monde sur ce que vous regardez. Un peu comme quand vous regardez le ciel, à l’horizon (fixer vous ferait trop mal aux yeux de toute façon). Là encore, essayez, « variez vos regards » jusqu’à trouver le bon. De même, je vous encourage à regarder le terrain adverse, car c’est là que vous chercherez à prendre les cartes en priorité, et parce que vous aurez alors une meilleure vision d’ensemble (votre corps étant déjà sur votre terrain). Le milieu de la ligne haute de l’adversaire devrait être un bon point.
D/ Comprendre le rythme des poèmes, et se concentrer sur les sons
Il est extrêmement difficile de se concentrer au maximum sur une longue période. Heureusement, en Karuta, l’instant durant lequel il est nécessaire de se concentrer est très court, et bien délimité : le lecteur allongera la dernière syllabe durant 3 secondes, attendra une seconde en silence, puis lira le poème suivant. Idéalement, votre concentration devra atteindre son niveau maximum à la moitié de cette dernière seconde. A ce moment, votre esprit et votre corps devront être conscients du fait que le son sortira dans la seconde. Connaître parfaitement ce timing vient avec l’expérience, à force de jouer, et vous verrez à terme que vous aurez de moins en moins de mal à vous concentrer au bon moment. D’ailleurs, et bien que l’on sorte un peu du thème de la concentration, j’aimerais insister sur l’importance de se forger des automatismes. Pour devenir bon en Karuta, votre corps doit assimiler l’idée selon laquelle dès lors que vous aurez identifié une syllabe déterminante, votre bras se dirigera vers la carte associée. Par conséquent, vous ne devez pas chercher la carte une fois que vous l’avez identifiée, vous devez dès le départ enregistrer que si AKINO (par exemple) est lue, votre bras partira dans telle ou telle direction. La différence entre le bon et le mauvais joueur, et sans vouloir parodier le sketch des Inconnus, c’est que le bon joueur, quand il distingue une syllabe déterminante, il prend la bonne carte, alors que le mauvais joueur, il la cherche. Encore une fois, vous devez créer des automatismes. Réfléchir, en plus de vous faire perdre du temps, nuira à votre concentration. Donc efforcez-vous de mémoriser comme il le faut, pour avoir simplement à vous concentrer sur l’identification de la syllabe déterminante.
E/ Avoir confiance
Au final, on y revient toujours. Être convaincu de ses capacités à gagner, s’entraîner beaucoup, avoir une bonne mémorisation, avoir un bon mouvement de balayage, tout cela augmentera votre confiance en vous, et ainsi vos chances de gagner. Donc tout ce qui aura pour effet de vous mettre de bonne humeur, comme par exemple regarder un épisode de Chihayafuru, sera bon à prendre, car votre moral sera votre meilleur allié contre vos adversaires !
Comments